Diabète,  Ma santé

Interview du Dr Lecornet-Sokol : Diabète de type 1

Emmanuelle LECORNET-SOKOL Endocrinologue

Qu’est-ce que le diabète de Type 1 ?

Le diabète de Type 1 est une maladie chronique qui se caractérise par un taux d’insuline qui va entraîner un excès de sucre dans le sang. Nos cellules ont besoin de sucre, et l’insuline est ce qui permet aux sucres de rentrer dans nos cellules. Sans insuline, le sucre reste bloqué dans le sang, les muscles vont se fatiguer et l’ensemble de nos organes seront impactés.

Chez une personne qui ne souffre pas de diabète de Type 1, le pancréas permet de réguler la glycémie en produisant la juste quantité d’insuline.

Pour bien réguler son taux de sucre, la personne ayant un diabète va être aidée en utilisant notamment des capteurs qui permettent de mesurer la glycémie en permanence. Selon le résultat et son alimentation, le patient doit s’injecter de l’insuline, soit avec un stylo, soit avec une pompe.

Quels sont les symptômes ?

Les symptômes du diabète de Type 1 sont très caricaturaux. On parle d’un syndrome cardinal incluant 4 symptômes : une grande soif, le besoin d’uriner souvent, l’amaigrissement, et une fatigue intense. Symptômes auxquels peuvent se rajouter pour certain patient le besoin de beaucoup manger.

Ces symptômes-là arrivent au tout début de la maladie, ils sont facilement repérables et permettent aux médecins de suspecter un diagnostic de diabète, qui sera confirmé par une prise de sang.

Mais, la grande complexité va résider dans l’accompagnement du patient tout au long de son parcours de soin et dans toutes les dimensions de sa maladie.

Le diabète de Type 1 va toucher tous les pans de la vie du patient : son alimentation, son activité physique, son activité professionnelle qu’il faudra parfois adapter, son parcours de vie à cause des impacts au quotidien et de toutes les actions que le patient va devoir faire chaque jour dans le cadre de sa prise en charge.

On parle en moyenne de plusieurs dizaines d’actions quotidiennes, incluant le contrôle du taux de glycémie, les piqures d’insuline à se faire à chaque repas ou en cas de glycémie élevée, la prise de sucre en cas d’hypoglycémie, l’adaptation de son traitement quand on a une activité physique, etc…sans oublier la nécessité d’avoir toujours son traitement sur soi, d’y penser quand on voyage, d’aller à la pharmacie, d’organiser ses bilans sanguins, ses rendez-vous avec son diabétologue, mais aussi les autres spécialistes.

Qui sont les professionnels de santé à consulter ?

On encourage vraiment les patients à consulter régulièrement un endocrino-diabétologue, en raison de la complexité des traitements et des évolutions très rapides, en particulier au niveau technologique.

En plus du diabétologue, il faut parfois intégrer un infirmier, un diététicien, un éducateur sportif, …

Et malheureusement, à cela vient s’ajouter le retentissement du diabète et les complications potentielles qui vont nécessité de faire appel à de nombreux autres spécialistes. On demande au patient de consulter un ophtalmologue chaque année, un cardiologue tous les 2 ans, un pédicure, un néphrologue, un rhumatologue, un suivi très encadré en cas de grossesse, un psychologue ou un psychiatre notamment chez les adolescents qui voient leur quotidien bouleversé à une période de la vie où on a soif de liberté.

C’est donc une maladie très complexe à gérer, avec une charge mentale importante pour les personnes.

Pourquoi l’activité physique doit être contrôlée ?

Lorsqu’on fait du sport, on dépense des calories ce qui peut provoquer des hypoglycémies. C’est le cas notamment pour les sports comme le footing.

A l’inverse, des sports de combat comme la boxe ou les arts martiaux font monter la glycémie.
Il faut apprendre à le gérer et c’est souvent nécessaire de se faire accompagner, surtout si on fait du sport à haut niveau.

Y a-t-il un patient « type » (sexe, âge, catégories socio-professionnelles, hérédité…)

Le pic de déclenchement de la maladie se trouve autour de 10 ans, mais on peut le déclencher tout au long de sa vie. Le diabète de Type 1 touche presque autant les hommes que les femmes.

Ce n’est pas une maladie génétique à la différence du diabète de Type 2. S’agissant du diabète de Type 1, on évoque le chiffre de 5% de risque d’avoir un enfant atteint de cette maladie si on  l‘a soi-même.

Il y a en revanche des facteurs de prédisposition notamment s’il y a des maladies auto-immunes dans le cercle familial.

Quels sont les freins au parcours de soin ?

Il faut d’abord avoir en tête que le diabète de Type 1 est une maladie prise en charge à 100 % par l’Assurance Maladie.

Aujourd’hui pourtant, encore 30 % des patients ne consultent qu’un médecin généraliste, et pour plusieurs raisons.

La première est le manque d’un nombre suffisant de diabétologues / endocrinologues sur le territoire (seulement 2000) et une saturation des services hospitaliers. On espère que l’essor du numérique va participer à désengorger les services.

Ensuite, c’est une maladie très lourde à vivre au quotidien, et certains patients sont en rupture de soin car ils n’ont pas le courage ou la patience des sacrifices nécessaires.

Et puis, il y a aussi malheureusement parfois un manque de bienveillance ou d’empathie de la part de la profession, ce qui peut éloigner les patients de leur soin.

Il y a chez de nombreux patients un problème de surpoids et le développement de troubles du comportement alimentaire. Le contrôle de la glycémie entraine un contrôle pondéral. Il y a un lien fort et scientifiquement avéré entre diabète de Type 1 et TCA.

Quel est le rôle du numérique et des intelligences artificielles dans le parcours de soin et dans les avancées en recherche ?

La télésurveillance s’inscrit pleinement dans le développement des parcours de soin. De nombreuses applications voient le jour. Les traitements en cours d’explosion sont des traitements qui intègrent des capteurs d’insuline connectés qui font appel à des algorithmes et de l’intelligence artificielle (ce qu’on appelle les boucles fermées).

Aussi, la cohorte SFDT1 a pour objectif de suivre environ 15 000 patients pour étudier le devenir vasculaire des patients avec un diabète de type 1.

Le numérique et l’intelligence artificielle représentent de vraies avancées pour l’amélioration de la qualité de vie du patient et j’ai espoir qu’à terme, on puisse se passer de matériel lourd au quotidien.

Quelle est l’espérance de vie des patients ?

Nous n’avons pas de chiffres récents mais l’espérance de vie des patients a été moins élevée que la population générale, en lien notamment à des problèmes cardiovasculaires précoces, à des insuffisances rénales, à des troubles musculosquelettiques …

Mais globalement, les traitements évoluent et la prévention de comorbidités s’est nettement améliorée en 30 ans. L’enjeu sera bien sûr de poursuivre cette amélioration, à condition d’y allier une bonne qualité de vie.