Isabelle, patiente atteinte du vitiligo, nous partage son parcours avec cette maladie de peau, de l’acceptation de sa condition à la force qu’elle en a tirée. Un témoignage inspirant sur la lutte contre les préjugés et l’importance de s’accepter tel que l’on est. Peux-tu nous expliquer à quel moment tu as remarqué les premières tâches de vitiligo sur ta peau ? « J’ai eu une première tâche suite à une blessure à côté de mon œil gauche. Après la guérison, une tache blanche est apparue. Suite à un rendez-vous chez le dermatologue, on ne m’avait pas diagnostiqué le vitiligo directement. Le docteur m’a prescrit une crème qui a fait disparaître cette tache. Quelques semaines plus tard, elle est réapparue. J’avais 14 ans à ce moment-là. » Comment as-tu vécu l’annonce de ton diagnostic ? « J’ai à nouveau eu rendez-vous chez le dermatologue, qui a alors diagnostiqué le vitiligo. Je m’en doutais… Je connaissais déjà cette maladie. Ma grand-mère et une de mes tantes avaient, elles aussi, le vitiligo. Mais l’annonce a été violente. Pour moi, pour ma famille aussi, je suppose. De mon point de vue, et avec plus de 20 ans de recul, je dirais que j’ai déconnecté. Je me souviens de la sensation, comme une grosse claque… et puis, plus rien, un grand vide, des larmes… je savais ce que j’allais devenir physiquement en voyant ma grand-mère. Je savais également que la route allait être longue, qu’il n’y avait pas de traitement. » Quels défis rencontres-tu au quotidien en lien avec ton vitiligo, que ce soit sur le plan physique, social ou émotionnel ? « Je ne dirai pas que ce sont des défis quotidiens. Pas aujourd’hui, du moins. Je viens de l’île de La Réunion, et quand je vivais encore là-bas, surtout au début de la maladie, je devais couvrir toutes les parties de mon corps. Il fallait protéger ma peau du soleil. Avec la chaleur, c’était horrible à vivre. J’ai fini par arrêter d’aller à la plage, à la rivière, à la piscine. J’ai préféré rester chez moi. Encore aujourd’hui, même si je vis en métropole, je dois protéger ma peau du soleil, surtout l’été. La peau blanche n’a plus de protection face au soleil, et les risques de brûlures sont énormes. Je l’ai déjà vécu, c’est une douleur que je ne souhaite à personne. Il faut donc toujours, toujours avoir une crème solaire avec soi. Au niveau social et émotionnel, le temps nous apprend à puiser une force dont on ne se serait jamais douté qu’elle existait en nous. » « Je dirai que je prends mon temps avant de discuter avec des personnes que je ne connais pas. Je sais pertinemment qu’il y aura des questions. Parfois, j’aime bien en parler, pour que les gens en sachent plus et qu’il n’y ait pas de peur. Parfois, j’ai juste envie qu’on ne me voie pas comme une personne qui a le vitiligo, mais comme une personne lambda, et je me braque. Il arrive que les regards des autres soient trop intenses. C’est quelque chose de fatiguant psychologiquement. On remarque les regards qui se demandent : « Elle a quoi ? » – « Pourquoi est-elle comme ça ? », et on essaie de faire comme si on ne voyait rien. Les gens pensent être discrets, mais pas du tout. J’ai eu pas mal de remarques désagréables aussi. Cela fait mal, très mal. Mais on apprend à être résilient face à ces situations. » Y a-t-il des moments où tu te sens particulièrement gênée ou, au contraire, où ton vitiligo t’a permis de t’affirmer davantage ? « Les situations où je me sens gênée ? Je dirai quand je suis en maillot de bain ou dans un bain de foule où on me remarque. Mais ce genre de situation m’a aussi appris à être plus forte. Mon métier m’a également permis de m’affirmer davantage. Je suis professeur des écoles. Si, il y a 20 ans, au début de la maladie, on m’avait dit que j’aurais été capable d’être face à notre avenir et de leur faire classe toute la journée, je ne l’aurais pas cru. J’ai choisi de travailler avec des enfants pour leur inculquer aussi ces valeurs de vivre ensemble et d’accepter la différence des autres. Je suis tellement fière de pouvoir leur apporter ça au quotidien, et ils me le rendent bien. » Y a-t-il une idée reçue ou un mythe sur le vitiligo que tu voudrais corriger ? « Les personnes atteintes de vitiligo ne sont pas contagieuses. La maladie n’est pas non plus transmissible pendant la grossesse. » As-tu déjà fait face à des remarques ou des regards déplacés à cause de ton vitiligo ? « Oui, comme je l’ai dit plus haut, les remarques et les regards, c’est presque quotidiennement malheureusement. » Est-ce que tu utilises des traitements ou des soins pour atténuer les effets du vitiligo, ou préfères-tu l’accepter tel quel ? « Depuis le mois d’avril 2024, j’utilise le traitement Opzelura. Cela permet de repigmenter les taches blanches. C’est un traitement très long. Pendant des années, je me suis acceptée telle que je devenais. Avoir une maladie comme le vitiligo, c’est aussi accepter que notre image change jour après jour. Quand ma dermatologue m’a parlé de l’Opzelura, j’ai hésité un moment avant d’accepter. Je voulais essayer, pour ne pas avoir à regretter plus tard. Aujourd’hui, je peux dire que j’en suis contente. Le traitement est efficace sur moi. Mon visage a presque totalement repigmenté. Je ne sais pas encore si j’irai jusqu’au bout, mais si mon visage et mon cou repigmentent, j’en serai déjà très contente. Maintenant, je dois accepter à nouveau le changement, m’habituer à cette image que j’avais mise tant d’années à oublier. » Quel message aimerais-tu partager avec les personnes atteintes de vitiligo ou avec celles qui ne comprennent pas toujours cette condition ? « Faites de votre vitiligo une force plutôt qu’une faiblesse. Je sais que c’est facile à dire, que c’est difficile à accepter. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. C’est un long processus de travail sur soi. Pour ma part, je me suis finalement dit qu’il y a des choses bien pires dans ce monde, et que si je ne m’acceptais pas telle que je suis, comment pourrais-je attendre des autres qu’ils m’acceptent aussi ? Transformez votre différence en force. Entourez-vous des bonnes personnes qui vous aideront à vous motiver dans les moments de doute. Le vitiligo m’a rendue plus forte face à la vie et aux défis quotidiens. Je m’expose au monde même si j’ai encore beaucoup de mal avec mon image. Mais ces taches que vous jugez moches et sans charme, pour d’autres personnes, elles seront belles et puissantes. Nous vivons dans un monde où la beauté occupe malheureusement une grande place. Les personnes ayant le vitiligo ne sont pas à part. N’oubliez pas qu’il y a quelqu’un derrière cette image que vous jugez, un cœur, une âme qui a déjà souffert et qui souffre encore. Soyez bons, soyez forts, ne baissez pas les bras. » Autres articles qui pourraient vous intéresser :