
Fumer au travail : réglementation, enjeux et solutions pour les entreprises
La question du tabac au travail s’inscrit dans un contexte d’évolution constante de la législation française et européenne. Depuis la loi Evin de 1991 jusqu’aux récentes réglementations sur le vapotage, les entreprises doivent s’adapter à un cadre légal de plus en plus strict visant à protéger la santé des salariés. Au-delà de l’aspect légal, le tabagisme en entreprise représente aussi un enjeu majeur de santé publique et d’efficacité organisationnelle.
Le tabagisme au travail génère des coûts directs et indirects considérables : augmentation de l’absentéisme, multiplication des pauses non officielles, baisse de productivité, et risques accrus pour la santé des fumeurs comme des non-fumeurs exposés au tabagisme passif. Face à ces défis, les employeurs cherchent à mettre en place des politiques efficaces, respectueuses du cadre légal mais aussi du bien-être de leurs collaborateurs.
Cet article fait le point sur la réglementation actuelle concernant le tabac en entreprise, analyse ses impacts sur l’organisation du travail et la santé des employés, et propose des solutions concrètes pour accompagner les entreprises dans la mise en place d’une politique adaptée. Que vous soyez dirigeant, responsable RH ou membre du CSE, vous trouverez ici les clés pour aborder efficacement cette problématique dans votre organisation.
Cadre légal du tabac en entreprise
La législation française encadrant la consommation de tabac sur le lieu de travail a considérablement évolué ces dernières décennies, imposant aux employeurs des obligations précises pour protéger la santé de l’ensemble des salariés.
Loi Evin et ses évolutions
La loi Evin du 10 janvier 1991 constitue le socle de la réglementation anti-tabac en France. Initialement, elle posait le principe de l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, mais prévoyait des possibilités d’aménagement d’espaces réservés aux fumeurs. Le décret du 15 novembre 2006, entré en vigueur le 1er février 2007, a considérablement renforcé cette loi en instaurant une interdiction totale de fumer dans tous les lieux fermés et couverts accueillant du public ou constituant des lieux de travail.
Cette interdiction s’applique à tous les locaux de l’entreprise : bureaux individuels ou collectifs, salles de réunion, open spaces, ateliers, entrepôts, couloirs, cafétérias, et même les véhicules de fonction si plusieurs personnes sont présentes. Le principe est simple : dès qu’un lieu est couvert et fermé et qu’il constitue un lieu de travail, l’interdiction de fumer s’y applique sans exception.

Le Code de la santé publique (article R.3511-1 et suivants) précise ces dispositions et les sanctions encourues en cas de non-respect. Ces textes ont été régulièrement actualisés, notamment pour inclure de nouvelles problématiques comme le vapotage, réglementé depuis 2017.
Obligations de l’employeur
L’employeur, responsable de la santé et de la sécurité de ses salariés, a des obligations spécifiques concernant l’application de cette réglementation :
- Afficher une signalisation apparente rappelant l’interdiction de fumer
- Faire respecter cette interdiction auprès de l’ensemble du personnel et des visiteurs
- Retirer tout objet incitant à fumer (cendriers) dans les zones non-fumeurs
- Informer le CSE (Comité Social et Économique) des mesures prises
- Intégrer les risques liés au tabagisme dans le Document Unique d’Évaluation des Risques (DUER)
La création d’espaces fumeurs n’est pas une obligation mais une faculté. Si l’employeur souhaite installer un espace fumeurs, celui-ci doit respecter des conditions strictes :
- Être un local clos affecté exclusivement à cet usage
- Disposer d’un système de ventilation indépendant et efficace
- Avoir une superficie ne dépassant pas 20% de la surface totale de l’établissement
- Afficher un message sanitaire de prévention
- Ne pas constituer un lieu de passage obligé pour les non-fumeurs
L’employeur doit également informer les employés sur les risques du tabagisme et peut proposer des actions de sensibilisation ou des programmes d’aide au sevrage tabagique.
Impact du tabagisme sur l’entreprise
Le tabagisme ne représente pas uniquement un défi réglementaire pour l’entreprise, mais constitue également un enjeu majeur en termes de santé collective et de performance organisationnelle. Les conséquences du tabac au travail sont multiples et souvent sous-estimées.
Conséquences sur la santé des employés
Le tabagisme affecte directement la santé des fumeurs, mais également celle des non-fumeurs exposés au tabagisme passif. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, le tabac est responsable de plus de 8 millions de décès par an dans le monde, dont 1,2 million sont dus à l’exposition au tabagisme passif.
Pour les fumeurs, les risques pour la santé sont nombreux et bien documentés :
- Risques cardiovasculaires accrus (infarctus, AVC)
- Cancers (poumon, gorge, vessie)
- Maladies respiratoires chroniques (BPCO, emphysème)
- Diminution de la capacité pulmonaire et de l’endurance
- Fatigue chronique et troubles du sommeil
Le tabagisme passif, quant à lui, expose les non-fumeurs à plus de 4000 substances chimiques, dont 50 sont reconnues comme cancérigènes. Même une exposition brève peut provoquer des irritations oculaires, des maux de tête, des problèmes respiratoires ou des crises d’asthme. L’exposition régulière augmente de 25 à 30% les risques de maladies cardiaques et de 20 à 30% les risques de cancer du poumon.
En entreprise, ces risques se traduisent par une augmentation des arrêts maladie, des accidents du travail et des maladies professionnelles. Les fumeurs s’absentent en moyenne 2,7 jours de plus par an que les non-fumeurs selon une étude de l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité).
Effets sur la productivité
Au-delà des aspects sanitaires, le tabagisme impacte directement la productivité de l’entreprise de plusieurs façons :
- Temps de pause : Un fumeur consommant un paquet par jour et prenant 5 minutes par cigarette passe environ 1h30 en pauses cigarette quotidiennes, soit près de 20% de son temps de travail pour un poste à temps plein
- Absentéisme : Les fumeurs sont plus fréquemment absents pour raisons de santé
- Présentéisme diminué : Baisse de concentration, fatigue accrue et symptômes de manque entre deux pauses cigarettes
- Conflits potentiels : Tensions entre fumeurs et non-fumeurs concernant les pauses ou l’exposition à la fumée
Selon une étude de la Commission Européenne, le coût total du tabagisme pour les entreprises européennes est estimé à près de 363 milliards d’euros par an, incluant les pertes de productivité, l’absentéisme et les coûts de santé associés.
Le tabagisme génère également des coûts directs pour l’entreprise : nettoyage supplémentaire des zones fumeurs, entretien des systèmes de ventilation spécifiques, assurances plus élevées, et parfois même risques accrus d’incendie liés aux mégots mal éteints.
Solutions pour une entreprise sans tabac
Face aux enjeux sanitaires, légaux et économiques liés au tabagisme, de nombreuses entreprises choisissent d’aller au-delà de la simple application de la loi en développant de véritables stratégies d’accompagnement vers une entreprise sans tabac. Ces démarches, lorsqu’elles sont bien menées, profitent tant aux salariés qu’à l’organisation.
Programmes d’aide à l’arrêt du tabac
L’accompagnement des salariés fumeurs vers le sevrage tabagique peut prendre plusieurs formes :
- Sensibilisation collective : Organisation de journées d’information, participation au Mois sans tabac, affichage de messages préventifs
- Accompagnement individuel : Prise en charge de consultations de tabacologie, remboursement de substituts nicotiniques au-delà du forfait de l’Assurance Maladie
- Création de groupes de soutien : Mise en place de réunions entre salariés en processus de sevrage pour partager expériences et difficultés
- Partenariats avec des professionnels de santé : Intervention de tabacologues ou de médecins du travail pour des consultations sur site

Certaines entreprises vont plus loin en proposant des incitations financières ou matérielles : primes pour les salariés arrêtant de fumer, concours internes, jours de congés supplémentaires, ou remboursement de thérapies complémentaires comme l’hypnose ou l’acupuncture.
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Aménagement des espaces et du temps de travail
La gestion des pauses cigarette et l’organisation des espaces constituent un levier important pour une politique efficace :
- Délocalisation des espaces fumeurs : Éloigner suffisamment les zones fumeurs des entrées et des lieux de passage pour limiter l’exposition au tabagisme passif
- Aménagement qualitatif : Créer des espaces non-fumeurs attractifs pour les pauses (salles de détente, espaces verts, équipements sportifs)
- Politique de pauses équitable : Instaurer un système de pauses identique pour tous (fumeurs et non-fumeurs) pour éviter les sentiments d’iniquité
- Flexibilité horaire : Proposer des plages horaires flexibles permettant à chacun de gérer ses pauses tout en respectant ses obligations professionnelles
Certaines entreprises ont également adopté des approches progressives en réduisant graduellement les zones fumeurs ou en limitant les plages horaires autorisées pour fumer. Cette démarche incrémentale permet une adaptation plus douce aux nouvelles règles.
L’aménagement des espaces de travail peut également intégrer des éléments favorisant la santé globale : espaces de détente, salles de sport, douches pour encourager les activités physiques durant la pause déjeuner, ou encore distributeurs proposant des collations saines.
Stratégies de communication et de sensibilisation
La réussite d’une politique anti-tabac en entreprise repose en grande partie sur une communication claire, cohérente et positive. L’approche punitive seule s’avère rarement efficace et peut générer des résistances contre-productives.
Communiquer positivement sur les bénéfices
Une communication axée sur les bénéfices plutôt que sur les interdictions rencontre généralement une meilleure adhésion :
- Bénéfices santé : Rappeler les améliorations rapides après l’arrêt du tabac (goût, odorat, capacité respiratoire, teint, etc.)
- Bénéfices financiers : Proposer des calculateurs d’économies réalisées en arrêtant de fumer
- Bénéfices sociaux : Valoriser l’impact positif pour l’entourage familial et professionnel
- Témoignages : Partager les expériences positives d’ex-fumeurs au sein de l’entreprise
Les campagnes de communication gagnent à être régulières plutôt que ponctuelles, et à s’intégrer dans une démarche globale de promotion de la santé au travail. L’utilisation de supports variés (affiches, intranet, newsletters, ateliers) permet de toucher différents profils de collaborateurs.
Impliquer les différents acteurs
La mise en place d’une politique anti-tabac efficace nécessite la mobilisation de multiples acteurs :
- Direction : Engagement visible et exemplarité des managers
- Ressources humaines : Coordination des actions et intégration dans la politique de qualité de vie au travail
- CSE : Consultation obligatoire et force de proposition
- Médecine du travail : Expertise santé et orientation vers des ressources spécialisées
- Salariés volontaires : Ambassadeurs du programme, notamment d’anciens fumeurs
La création d’un comité de pilotage dédié, intégrant des représentants de ces différents acteurs, permet d’assurer la cohérence et le suivi des actions mises en place.
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FAQ : Questions fréquentes sur le tabac au travail
Peut-on fumer dans son bureau individuel ?
Non, l’interdiction de fumer s’applique à tous les lieux fermés et couverts constituant des lieux de travail, y compris les bureaux individuels. Cette interdiction vise à protéger non seulement la personne occupant le bureau, mais aussi toute personne amenée à y entrer (collègues, agents d’entretien, techniciens).
Quelles sont les sanctions pour non-respect de l’interdiction ?
Pour le fumeur en infraction, l’amende forfaitaire est de 68€. Pour l’employeur qui n’applique pas la réglementation (absence de signalisation, non-respect des normes pour les espaces fumeurs), les sanctions peuvent atteindre 750€ par infraction constatée, avec des poursuites pénales possibles en cas de manquements répétés.
L’employeur peut-il imposer des restrictions sur les pauses cigarette ?
Oui, l’employeur peut encadrer les pauses cigarette dans le règlement intérieur, notamment en fixant leur fréquence, leur durée et en organisant un système de comptage du temps. Ces pauses peuvent être décomptées du temps de travail effectif si le salarié quitte son poste. L’employeur doit toutefois veiller à l’égalité de traitement entre fumeurs et non-fumeurs.
Le vapotage est-il autorisé sur le lieu de travail ?
Non, depuis le décret du 25 avril 2017, le vapotage est interdit dans les lieux de travail fermés et couverts à usage collectif. Il reste autorisé dans les bureaux individuels fermés où travaille une seule personne. L’employeur peut toutefois interdire totalement le vapotage via le règlement intérieur.
Comment mettre en place une politique anti-tabac sans discriminer les fumeurs ?
La politique doit être présentée comme une démarche de santé globale et non comme une stigmatisation des fumeurs. L’accent doit être mis sur l’accompagnement plutôt que sur la sanction, avec des mesures d’aide au sevrage. Un traitement équitable des pauses pour tous les salariés et la consultation du CSE sont essentiels pour prévenir le sentiment de discrimination.
L’employeur est-il obligé d’aménager un espace fumeurs ?
Non, la création d’espaces fumeurs est une faculté et non une obligation légale. L’employeur peut parfaitement interdire de fumer dans l’ensemble des locaux sans aménager d’espace dédié. Les fumeurs devront alors sortir de l’entreprise pour consommer du tabac.
Un salarié peut-il refuser de travailler dans un environnement enfumé ?
Oui, un salarié exposé à la fumée de tabac en violation de la réglementation peut exercer son droit de retrait s’il estime que cette situation présente un danger grave et imminent pour sa santé. Il peut également saisir l’inspection du travail ou le médecin du travail et engager la responsabilité de l’employeur.
Conclusion
La gestion du tabac au travail représente un enjeu complexe où s’entrecroisent obligations légales, considérations de santé publique et défis organisationnels. Au-delà de la simple application de la loi Evin et de ses évolutions, les entreprises ont tout intérêt à développer une véritable stratégie intégrée combinant respect strict de la réglementation, accompagnement des salariés fumeurs et promotion d’un environnement de travail sain.
L’approche la plus efficace s’avère être celle qui évite la stigmatisation tout en proposant un cadre clair et des solutions concrètes. Les entreprises ayant obtenu les meilleurs résultats sont celles qui ont su impliquer l’ensemble des parties prenantes dans une démarche constructive et progressive, inscrite dans une politique plus large de qualité de vie au travail et de prévention santé.
Les bénéfices d’une politique anti-tabac bien menée sont multiples : amélioration de la santé des collaborateurs, diminution de l’absentéisme, hausse de la productivité, renforcement de l’image de l’entreprise et réduction de certains coûts. Ces avantages dépassent largement les investissements nécessaires à la mise en place d’un programme d’accompagnement.
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