Réduire sa consommation d'alcool pendant Dry January
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Comment réduire sa consommation d’alcool avec ou sans Dry January ?

À l’occasion de Dry January, Marina Torre-Liabot revient sur les bienfaits de ce défi (auquel plus de 30% des français semblent s’intéresser en 2024), sur les différents types de consommation d’alcool, à quoi il faut être attentif et comment se faire accompagner dans sa consommation, que l’on soit dépendant ou non.

Marina Torre-Liabot est psychologue avec une spécialité sociale, psychothérapeute avec une approche TCC, sophrologue et hypnologue. Titulaire d’un DU d’addictologie, elle intervient au sein d’un CSAPA (Centres de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie) où elle reçoit un public adulte, addict aux substances. Elle dirige également une école de sophrologie et intervient au sein de l’association Dépendance21 où elle anime des groupes de parole et vient en aide aux personnes dépendantes et à leurs familles.

Retrouvez-la sur le compte Instagram @lepokhe_ où elle parle de psychologie et d’addictions.

Comment peut-on définir une addiction ?

On peut voir l’addiction comme une recherche perpétuelle de plaisir immédiat. Cette recherche va se faire à travers une répétition de comportement, une répétition de consommation d’alcool ou les deux en même temps.

Ça devient un problème et un signe de dépendance lorsque ces comportements entraînent :

  • Une perte de contrôle
  • Une perte de liberté de la personne : lorsque toute la vie de la personne se met à tourner autour de ce comportement, de ce produit ou de cette consommation
  • Une envie irrépressible de consommer
  • Des signes de manque lorsque la personne essaie de réduire ou arrêter sa consommation

Pour résumé, dans l’addiction on doit être attentif à la répétition d’un comportement ou d’une consommation d’alcool, l’envie irrépressible de consommer, le manque quand on essaie de réduire et la perte de contrôle.

Comment se manifeste l’addiction à l’alcool et comment la repérer ?

On va noter plusieurs manifestations et éléments pour identifier une dépendance à l’alcool :

  • Tout ou presque tourne autour de la consommation d’alcool
  • On note un phénomène de tolérance. C’est-à-dire que si la personne est en quête de plaisir immédiat et qu’il est assouvi avec 2 verres par exemple, à un moment les 2 verres ne suffiront plus et deviendront 3 verres, puis 4 etc. C’est ce qu’on appelle l’effet de tolérance et on retrouve cela dans l’addiction à l’alcool.
  • On remarque une perte de temps anormale : dans la recherche du produit, dans la consommation, dans les effets après, etc.
  • Cela peut être une consommation malgré le danger : par exemple consommer malgré le fait qu’on s’apprête à conduire ou que l’on est enceinte.
  • La perte de repères sociaux ou professionnels liés à l’alcool : on n’arrive plus à voir ce qu’il se passe autour, à avoir le contexte. On note souvent un déni et c’est très important de pouvoir sortir de ce déni pour pouvoir aller vers du soin.

Est-ce qu’il y a plusieurs types de dépendance selon la consommation d’alcool ?

En fait, on identifie plusieurs types d’usage et de consommation. Bien sûr, ce sont les usages d’école, il faut les adapter et les étudier pour chaque individu en fonction de sa relation avec l’alcool. Plus récemment, quand on parle d’addiction on évoque plutôt un continuum avec différents degrés de sévérité de la pathologie. 

  • Le non-usage

Comme son nom l’indique ce sont ceux qui ne consomment pas ou extrêmement peu d’alcool, par exemple ceux qui trempent leurs lèvres pour goûter.

  • L’usage simple

Ce sont ceux qui consomment sans dépasser le seuil recommandé par Santé Publique France. Ces personnes savent très bien gérer leur consommation d’alcool, ils peuvent passer des jours voire des mois sans consommer. Attention la recommandation c’est le seuil maximum, ça n’est pas ce que l’on préconise de boire par jour mais la grande limite, donc si c’est moins c’est très bien.

  • L’usage à risque

Il peut arriver que ces personnes dépassent le seuil de façon ponctuelle ou régulière mais il n’y a pas encore de dommage physique ou social. C’est dans cet usage que l’on va retrouver les consommations sociales, mondaines etc. Il y a risque également lorsqu’il y a consommation alcoolisée dans des situations qui sont inappropriées, les femmes enceintes par exemple.

  • L’usage excessif

Le seuil est dépassé, il commence à y avoir des dommages au niveau du corps ou au niveau du social, mais y’a pas encore cette notion de dépendance, c’est-à-dire que la personne arrive encore « à peu près » à gérer sa consommation d’alcool. C’est l’entre deux et c’est bien sûr à surveiller.

  • L’usage dépendant

Comme évoqué plus haut ce sont les personnes qui perdent le contrôle et leur liberté : tout ou presque tourne autour de la consommation, on note un effet de tolérance et donc d’augmentation progressive de la consommation, une consommation dans des situations dangereuses, la perte de certains repères sociaux ou professionnels et une perte de temps anormale à assouvir son besoin irrépressible de consommer.

Consommation d'alcool : comment réduire selon les recommandations de Santé publique France

La recommandation de Santé Publique France est une consommation d’alcool de :

  • 2 verres grand maximum par jour
  • 10 verres grand maximum par semaine
  • au moins 2 jours d’abstinence par semaine

À noter que l’on parle de verre avec une dose de bar, pas une dose comme on peut faire parfois à la maison et qui est un peu plus laxiste.

Est-ce que des périodes difficiles et isolées comme le confinement ont augmenté le phénomène d’addiction ou la consommation d’alcool ?

Lors du premier confinement il y a eu autour de 10% de hausse de consommation, dans les chiffres constatés.

Au sein de mon association, on a pu remarquer que les malades alcooliques abstinents ou avec des soins ont plutôt bien tenu, ça s’est plutôt bien passé. En revanche, pour ceux qui n’étaient pas encore dans une démarche de soins, ça a été plus compliqué, avec des rechutes.

Le confinement a également révélé certaines addictions : on s’est retrouvé enfermé, parfois à deux et on a pu se rendre compte que son conjoint buvait peut-être plus que ce qu’on imaginait. Ou encore, certaines personnes qui avaient l’habitude de boire un petit verre en rentrant du travail pour se détendre ont gardé cette habitude malgré le confinement et un changement de rituel, ça a pu révéler une habitude sur laquelle travailler.

L’addiction et la consommation d’alcool cachent-elles des problèmes plus profonds ?

En effet, souvent, très souvent même, l’addiction n’est pas seule : il y a une dépression, une maladie psychologique, une comorbidité, … etc

C’est pourquoi il est important de consulter un spécialiste. On ne va pas traiter que l’addiction, on va regarder le problème dans son ensemble. Se rendre dans un centre spécialisé permet également de traiter l’addiction et la dépression si c’est le cas, et pas uniquement l’un des deux problèmes.

En tant que professionnelle est-ce que vous ressentez une évolution de la consommation en France ? Une augmentation selon la génération, l’âge ou le sexe ?

Dans les chiffres il y a plus d’hommes que de femmes, mais beaucoup de femmes tout de même.

Ce n’est pas tellement une augmentation de la consommation mais chez les jeunes on retrouve beaucoup de binge drinking (Alcoolisation Ponctuelle Importante, API en français). Le but est se défoncer le plus vite possible.

Et ce qui questionne beaucoup c’est l’essor des drogues chez les jeunes. Je vois la cocaïne arriver au collège par exemple. C’est davantage des consommations excessives, de plus en plus, à voir comment cela se transforme après…

Est-ce qu’il est possible de diminuer sa consommation d’alcool et si oui, comment ?

Réduire sa consommation d'alcool astuces et remèdes

Comment diminuer sa consommation d’alcool quand on est dépendant

Tout d’abord il est important de séparer les personnes qui sont dans la dépendance des autres. Pour les personnes dépendantes, le meilleur conseil est d’aller voir des professionnels de santé, pour avoir un traitement médicamenteux, pour potentiellement faire un sevrage, une cure … J’insiste sur le fait d’aller voir un professionnel de santé et d’avoir un traitement parce qu’arrêter l’alcool tout seul de son côté peut être très dangereux pour la personne dépendante et pour sa vie.

Qui consulter en cas de dépendance à l’alcool :

  • Votre médecin traitant, parce que c’est la personne qui va vous connaître « le mieux », qui peut vous orienter vers un addictologue ou vers l’hôpital.
  • Une association, qui va pouvoir vous orienter et peut-être appuyer votre dossier pour entrer en cure par exemple ou en sevrage.
  • Des psychologues et psychiatres pour un traitement psychologique. Mais là encore, le médecin traitant peut être le bon 1er contact pour orienter au mieux vers les professionnels de santé qui vous accompagneront sur le traitement psychologique.

En tant que plateforme de santé publique, Doctoome vous indique les professionnels de santé et notamment ceux pouvant vous accompagner en cas de dépendance : médecin généraliste, addictologue, psychiatre, psychologue, …

Comment diminuer sa consommation d’alcool hors dépendance

Pour les autres, ce qui va être important c’est la prise de conscience : prendre conscience de sa consommation, se rendre compte où on est dans notre consommation. Vous pouvez, par exemple, la noter quotidiennement et vous demander « pourquoi je consomme ? », « est-ce qu’il y a un moment plus particulier dans la journée où je consomme ? », …

Ensuite, il est important et même essentiel si vous souhaitez réduire votre consommation, de le faire pour vous-même avant tout. Souvent on entend « je le fais pour ma femme », « pour mon mari », « je le fais pour mes enfants », … c’est très honorable mais le faire pour soi avant tout, c’est la base. Votre arrêt sera plus efficace sur le long terme en le faisant pour vous qu’en le faisant pour les autres.

5 astuces pour réduire « facilement » sa consommation d’alcool :

  1. Espacer les verres
    On peut essayer d’espacer ses verres avec par exemple un verre d’alcool puis un verre d’eau. N’oublions pas que l’alcool déshydrate !
  2. Boire plus lentement
    Poser son verre entre chaque gorgée permet de boire plus lentement et donc peut-être de prendre un seul verre au lieu d’en enchaîner 3 par exemple.
  3. En parler
    Quand vous souhaitez réduire ou arrêter votre consommation il est intéressant d’en parler autour de soi, de dire qu’on souhaite réduire sa consommation, sans forcément expliquer pourquoi. Ça permet d’avoir un soutien et de prévenir aussi que si on refuse une proposition de boire, il ne faut pas le prendre mal, c’est parce qu’on est dans une démarche particulière. En parler c’est aussi l’occasion d’inviter les autres à faire pareil parce que ça peut être sympa (comme indiqué plus haut il faut que ça vienne d’eux aussi bien sûr).
  4. Trouver une alternative à l’alcool
    Il s’agit de remplacer un verre d’alcool par une boisson soft qu’on aime, en se faisant plaisir. L’idée est de ne pas se cantonner à un Perrier si on préfère un Coca par exemple. Il faut trouver une alternative qu’on aime, il y a des tas de possibilités et de plus en plus d’ailleurs !
  5. Trouver une activité plaisir
    Si on se rend compte qu’à 19h on a tendance à vouloir boire un verre, pourquoi ne pas se trouver une activité pour passer ce moment autrement : dessin, sport, relaxation, jeux, balade, …

Quels sont les bienfaits de diminuer sa consommation d’alcool ? Lors d’un Dry January mais pas uniquement.

Réduire sa consommation d'alcool - Dry January

Il y a énormément de bienfaits à arrêter sa consommation d’alcool et on s’en rend vite compte.

Six bienfaits que l’on peut constater en arrêtant sa consommation :

  1. On a un meilleur teint
  2. On est plus en forme
  3. On a un sommeil de meilleure qualité
  4. On perd du poids, parce que l’alcool c’est très très calorique
  5. On a une meilleure concentration
  6. On a une meilleure mémoire

Et quand on fait Dry January, c’est un défi mais c’est également l’occasion d’avoir une autre approche de sa consommation et de mieux la réguler sur le long terme. Il est fréquent que les personnes qui ont fait Dry January prolongent l’arrêt ou adaptent leur consommation sur les mois qui suivent. On arrête en janvier mais ça peut permettre des prises de conscience et des adaptations de sa consommation sur le long terme.

Attention en revanche, je rappelle que si vous êtes dans la dépendance il n’est pas recommandé de le faire seul car, comme mentionné plus haut, ça peut être très dangereux. Je vous recommande de consulter un professionnel de santé.

Justement si je veux faire Dry January, comment je peux me faire aider ? Est-ce que la sophrologie peut m’aider par exemple (vous qui êtes sophrologue) ou un autre type de médecine ?

La sophrologie peut permettre de mieux de se connaître et se relaxer, donc en effet cela peut aider.

Vous pouvez également en parler aux associations si vous ne savez pas trop comment vous y prendre. Les associations viennent en aide aux personnes dépendantes mais pas uniquement : aux personnes qui sont en usage excessif, usage modéré, aux familles parfois, qui ne consomment pas mais qui ont quelqu’un dans la famille qui consomme.

Vous pouvez aussi en parler autour de vous : des gens peuvent avoir des connaissances, c’est toujours intéressant de discuter avec les gens. On peut le faire à plusieurs aussi ça peut être très motivant.

Les réseaux sociaux peuvent être une bonne source d’informations et de conseils aujourd’hui. Si on est dans la démarche on peut trouver beaucoup de contenus intéressants, sur YouTube, les blogs etc.

Pour ceux qui vont se lancer, avez-vous des conseils pour réussir son Dry January ?

Le premier conseil va être d’en parler, de le dire autour de soi, pour que les autres comprennent, pour le faire à plusieurs peut-être et savoir pourquoi on le fait.

Vous pouvez également venir en discuter avec moi sur Instagram 🙂

Plus d’infos également sur dryjanuary.fr

Par

Rédactrice Santé Doctoome.com